Echo
L’œuvre Penumbra, à découvrir lors de l'exposition Echo Delay Reverb, nous plonge dans une ambiance visuelle et sonore constituée des reflets en mouvement d'une forêt tropicale. Jusqu'au 15 février 2026.
Reflets
/ L'installation audiovisuelle Penumbra (2020), de Allora & Calzadilla, reconstitue l'atmosphère obscure de la jungle caribéenne sur les murs d’une salle dédiée. Des variations de lumière projettent les ombres que dessine le soleil lorsqu'il traverse le feuillage des végétaux, suivant une simulation qui reproduit en temps réel la course de l'astre. Ou bien s'agit-il du souvenir d'une nuit antillaise, où les phares d'un véhicule reflètent la nature sur le plafond d'une chambre à travers les rideaux ? Le paysage sonore, composé par David Lang, est un enregistrement de violons imitant le vrombissement d'insectes.L'arrière-plan de cette œuvre est la rencontre qui a lieu à la Martinique en avril 1941 entre un groupe d'artistes et d'écrivain•es en fuite de la France occupée vers les Etats-Unis (dont André Breton, Wifredo Lam, et Claude Lévi-Strauss) et les poètes martiniquais•es Suzanne et Aimé Césaire. Elle fait plus précisément référence à une promenade que le groupe fit ensemble dans la forêt de la vallée d'Absalon, qui a inspiré par la suite de nombreux poèmes et peintures. Une œuvre immersive, sensible et d'une grande poésie.
Penumbra, 2020
Projection numérique avec son / Digital projection with sound
Courtesy des artistes et Galerie Chantal Crousel (Paris)
Echo Delay Reverb
Carte blanche à la curatrice Naomi Beckwith, cette saison déplie les différentes manières par lesquelles des générations successives d'artistes aux États-Unis se sont appropriées des idées théoriques, politiques et poétiques façonnées dans l'espace français et francophone.
À travers une grande variété de formes et de médiums, incluant des productions inédites, ECHO DELAY REVERB aborde l'histoire et l'actualité de la circulation transatlantique d'idées à partir de la «French Theory», terme inventé aux États-Unis dès les années 1970 pour évoquer la réception enthousiaste de pensées contestant les normes et faisant vibrer les structures de la société.
Melvin Edwards, vue de l'exposition
L'exposition montre comment l'art aux États-Unis a catalysé les énergies révolutionnaires de ces penseur•euse•s qui, en activistes autant qu'en poètes, ont transgressé les genres et modifié les perspectives sur le monde d'aujourd'hui, de Roland Barthes, Michel Foucault, Jacques Derrida et Gilles Deleuze à Frantz Fanon, Suzanne et Aimé Césaire, Edouard Glissant, ou encore Simone de Beauvoir, Monique Wittig et Jean Genet... Souvent avant même leur reconnaissance en France, la lecture de ces auteurices aux Etats-Unis a permis de traduire leurs idées pour fabriquer des outils critiques des institutions, celles de l'art comme celles de la société.
Ce projet, conçu avec l'équipe du Palais de Tokyo, occupe l'ensemble des espaces d'exposition du centre d'art, rassemble une soixantaine d'artistes des années 1960 à aujourd'hui et comprend la première rétrospective européenne consacrée au sculpteur Melvin Edwards. À travers ce dialogue original entre des formes et des discours, il fait résonner une autre histoire des relations culturelles franco-américaines.
Pope.L, The Polis or the Garden of Human Nature in Action, 1998-2015-2025
Métamorphose
L'installation monumentale The Polis or the Garden or Human Nature in Action (1998/2015/2025) de Pope.L (1955-2023) se compose d'environ 1200 oignons, disposés sur des tables qui évoquent une administration ou un laboratoire scientifique.
Leur germination et leur inévitable putréfaction vont progressivement perturber leur ordonnancement et faire craquer les couleurs primaires avec lesquelles ils sont peints. Allégorie du vivant comme résistance à l'ordre social et nationaliste, cette œuvre avait été présentée dans une version précédente en regard d'un drapeau américain surdimensionné, lentement déchiqueté par l'air brassé par les pales de ventilateurs industriels.
Allora & Calzadilla, Penumbra, 2020
Bonbon
Les œuvres de l'artiste cubain-américain Felix Gonzalez-Torres sont constituées de matériaux quotidiens et requièrent souvent la participation du public, à l'instar de ses tas de bonbons disposés au sol ou dans les angles des espaces d'exposition. Si un protocole rédigé par l'artiste définit le titre, le type de bonbons et le poids idéal, l'œuvre est loin d'être fixe : les commissaires peuvent choisir librement l'emplacement et la forme du tas, et les membres du public sont invité•es à emporter les bonbons lors de leur visite, activant l'œuvre tout en contribuant à sa dispersion.
Cette reconfiguration des rapports auteur-œuvre-public tient en partie au statut de l'artiste en tant que personne séropositive à une époque où il n'existait pas de traitement efficace contre le VIH/sida : les protocoles de l'artiste ont donc été imaginés pour questionner la postérité d'une œuvre qui lui survit et pour offrir des résonances multiples aux gestes de dissémination, d'incorporation et de soin demandés au public. Si le tas de bonbons composant "Untitled" (Public Opinion) évoque la fabrique consensuelle de l'opinion publique, la « signification » de l'œuvre reste toutefois aussi instable que sa matérialité.
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Felix Gonzalez-Torres, Untitled, 1991 |
Felix Gonzalez-Torres (1957-1996)
Untitled (Public Opinion), 1991
Bonbons à la réglisse noire emballés individuellement dans du cellophane / Black licorice candies individually wrapped in cellophane
Collection Guggenheim New York. Courtesy Felix Gonzalez-Torres Foundation
Hybride
Firelei Báez compose des peintures dans lesquelles des représentations chimériques de corps hybrides, entre animal et végétal, se superposent à des cartes, plans, affiches ou carnets de voyage de l'époque coloniale. Artiste d'ascendance dominicaine et haïtienne, elle puise son inspiration dans l'histoire diasporique et dans la philosophie et la littérature caribéennes, notamment dans la poétique de la Relation d'Édouard Glissant.
L'artiste donne à voir plusieurs temporalités entrecroisées, du XVIIIe siècle jusqu'à un futur de science-fiction, et présente des images où la luxuriance des couleurs et l'exubérance des formes dissimulent parfois une inquiétude, voire une terreur. Le tableau Spiralism (or an understanding, sun minded) emprunte son titre au mouvement littéraire associé à l'écrivain haïtien Frankétienne, dont les œuvres lyriques et symboliques naviguent dans des temporalités multiples, manière de proposer une résistance esthétique aux années de dictature de la famille Duvalier qui ont marqué Haïti du XXe siècle jusqu'aujourd'hui.
Firelei Báez (1981-) vit à / lives in New York (États-Unis / USA)
Spiralism (or an understanding, sun minded), 2025
Huile et acrylique sur toile / Oil and acrylic on canvas
Courtesy de l'artiste et Hauser & Wirth Invisible
Les peintures de Glenn Ligon sont constituées à partir de fragments de textes littéraires, que l'artiste reproduit au pochoir sur toile en employant différents médiums (fusain, pastel gras, etc.) dont l'empâtement et la superposition rendent les mots progressivement illisibles. Sa pratique peut se comprendre comme un refus de représenter et de communiquer qui rappelle le droit à l'opacité revendiqué par Edouard Glissant, en opposition à l'idéal de transparence du modernisme occidental. Les œuvres de Ligon citent abondamment les écrits de personnalités noires aussi diverses que la romancière et anthropologue Zora Neale Hurston, l'humoriste Richard Pryor et l'écrivain James Baldwin. Mirror #4 intègre un passage de l'essai de Baldwin, « Stranger in the Village » [Un étranger au village] (1953), où l'auteur décrit son expérience du racisme dans un hameau reculé de Suisse. Ce texte en particulier permet d'appréhender la dimension politique du refus de lisibilité et de visibilité.
Glenn Ligon (1960-) vit à / lives in New York (États-Unis / USA)
Mirror #4, 2006
Sérigraphie, poussière de fusain, acrylique et huile sur toile / Silkscreen, coal dust, acrylic and oil stick on canvas
Collection particulière. Courtesy de l'artiste
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| Fred Wilson, Dead End, 2023 |
Cascade
Depuis plusieurs décennies, Fred Wilson a développé une critique des politiques mémorielles, en recontextualisant ou en transformant des artefacts culturels liés à l'histoire de l'esclavagisme et du colonialisme.
Issue des expériences que l'artiste mène depuis une vingtaine d'années sur l'artisanat du verre à Murano, l'installation Dead End (2023) se compose d'une cascade de gouttes d'un noir profond. Si l'œuvre peut évoquer une pluie féconde ou une explosion de vitalité, son titre, qui se traduit par «impasse», semble plutôt pessimiste. De fait, ces gouttes convoquent, pour l'artiste, l'exploitation qui émaille l'histoire des personnes noires: l'encre, utilisée pour remplir les documents permettant de déchoir les esclaves de leur humanité, ou le pétrole, ressource qui motive de nombreuses politiques néo-impérialistes.
Fred Wilson (1954-) vit à / lives in New York (États-Unis / USA)
Dead End, 2023
Verre soufflé de Murano / Venetian Murano blown glass
Courtesy de l'artiste et Pace Gallery
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| Wangechi Mutu, Histology of The Different Classes of Uterine Tumors, 2004-2005 |
Figures
Les sculptures, peintures, collages et vidéos de Wangechi Mutu présentent une multiplicité de figures feminines, que l'artiste hybride avec des plantes, des animaux et des machines, puisant ses images dans des sources variées: magazines de mode, images votives ou revues pornographiques. Les douze collages d'Histology of the Different Classes of Uterine Tumors [Histologie des différentes classes des tumeurs utérines] (2004-2005) sont composés sur des pages extraites d'un manuel médical de 1887 illustrant des maladies des organes sexuels féminins. Ils mettent en lumière l'exercice de la domination violente sur le corps des femmes, et particulièrement des femmes noires, et les fondements sexistes et racistes d'une partie de la médecine et de la rationalité scientifique.
Wangechi Mutu (1972-) vit à / lives in New York (Etats-Unis / USA)
Histology of The Different Classes of Uterine Tumors, 2004-2005
Impressions numériques sur papier / Digital prints on paper
Courtesy de l'artiste & Gladstone Gallery (Bruxelles, New York, Séoul)
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ECHO DELAY REVERB
ART AMÉRICAIN, PENSÉES FRANCOPHONES
AMERICAN ART, FRANCOPHONE THOUGHT
Du 22/10/2025 au 15/02/2026
Palais de Tokyo
13 Av. du Président Wilson, 75016 Paris
https://palaisdetokyo.com/
Palais de Tokyo
13 Av. du Président Wilson, 75016 Paris
https://palaisdetokyo.com/








